ouvriers qui travaillent

Peut-on évaluer l’utilité sociale des entreprises ?

De Nicolas Treuvey

Le mercredi 26 octobre 2022

Peut-on mesurer l'utilité sociale d'une organisation, sa contribution au bien commun ? C'est à cette question que tente de répondre Elena Lasida qui a développé la méthode GRéUS actuellement utilisée par plusieurs structures de l'économie sociale et solidaire.

Impact social ou utilité sociale ?

Le GRÉUS, un espace de recherche et d’action

Le GRÉUS s’est mis en place dans le cadre de l’importance croissante des démarches d’évaluation de l’utilité sociale et de l’impact social. C'est un espace d’action et de recherche sur la question. Sa réflexion et sa pratique montrent l’importance de la dimension relationnelle comme source de valeur.

L’une des premières questions abordées au sein du GRÉUS fut autour de la terminologie à employer. Utilité sociale ou impact social ? Cette question a conduit le groupe à étudier l’origine des deux concepts et à faire un choix aux niveaux sémantique et épistémologique. C'est le premier terme qui a été retenu en priorité. Il vise à désigner la spécificité de chaque structure dans sa contribution à faire société.

Impact et utilité, deux évaluations différentes

Ainsi, l’impact social se distingue de l’utilité sociale. Si l’impact social vise à rendre des comptes, l’utilité sociale vise à rendre compte. L’évaluation est évidemment différente. Pour l’impact social, on contrôle, on vérifie. Pour l’utilité sociale, on reconnaît, on regarde davantage le processus que le résultat. En effet, on se situe dans une logique d’apprentissage. Ce sont également deux conceptions du social.  Satisfaction des besoins sociaux pour l’impact social, qualité relationnelle pour l’utilité sociale. Les légitimités sont distinctes, légitimité gestionnaire vs. légitimité politique. Enfin, les valeurs créées ne sont pas les mêmes. Pour l’impact social, on s’intéresse aux effets produits. Pour l’utilité sociale, on s’intéresse à la représentation du monde commun.

Comment rendre compte plutôt que rendre des comptes ?

Evaluer l’utilité sociale

Evaluer l’utilité sociale, c’est explorer l’identité d’une organisation. C'est identifier sa qualité relationnelle, nommer sa contribution spécifique au vivre ensemble. On constitue donc un groupe – un comité d’identification de l’utilité sociale – composé de différentes parties prenantes de la structure.

Un premier travail d’identification est ensuite reproduit par celles-ci dans le cadre d’un dialogue pluraliste. Un rapport d’utilité sociale est produit à partir de ce travail. La mesure de l’impact social prend la forme d’indicateurs propres à chaque structure. Dernière étape, l’apprentissage organisationnel. L’objectif est d’identifier les changements stratégiques à accomplir pour renforcer l’utilité sociale de l’organisation. Par exemple, comment on s’approprie le résultat de cette évaluation, comment on articule et on intègre le bilan financier et le bilan social et environnemental.

Définir la « valeur centrale »

L’identification d’une "valeur centrale" singularise la démarche du GRÉUS. Ainsi, elle permet de comprendre pourquoi on n’utilise pas un référentiel d’indicateurs prédéfinis. La valeur centrale permet de dire l’originalité du projet et ce qui donne de la cohérence à l’ensemble des actions et des pratiques de la structure.

À titre d’exemple, la valeur centrale de l’UCPA – groupe associatif & commercial, créé en 1965 afin de promouvoir les activités sportives de plein air – a été nommée en termes de "sociabilité nomade", pour désigner la valeur d’une rencontre extraordinaire, qui ne crée pas nécessairement des liens dans la durée mais qui permet de construire une représentation commune du monde.

Des indicateurs de l’utilité sociale

L’autre particularité de la méthode GRéUS est le fait que l’on construit des indicateurs qui permettent de quantifier l’effet produit et de vérifier la création de la valeur identifiée.

La dimension constitutive donne à voir la contribution spécifique de la structure au bien commun. Les indicateurs de "l’agir constitutif" visent à mesurer et justifier la création d’une valeur sociale propre et spécifique de la structure.

La dimension instrumentale montre le niveau d’accès aux biens communs que la structure rend possible (accès à l’alimentation, au logement, au travail, au pouvoir d’agir, etc). La mesure de "l’agir instrumental" est plus proche de ce qu’on appelle habituellement "l’impact social", les indicateurs utilisés permettent de comparer l’impact de la structure à celui d’autres structures proches.

S'intéresser à la confiance

Au final, la méthode GRÉUS conduit à créer un bilan intégral (composé du bilan économique, du rapport de mission et du rapport de gestion) ainsi qu’un indice missionnaire.  En termes d’impact, la question de la confiance est primordiale, ce qui conduit à interroger les adhérents sur quelques thématiques (suggérées par le GRÉUS) : confiance cadres, confiance adhérents, confiance fournisseurs, relations justes et vraies, et comportements d’achats.Ensuite, chaque thématique est notée par chaque adhérent interrogé sur 10 puis représentée graphiquement via une « toile d’araignée permettant de voir les axes d’amélioration.

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