Chacun a pu le constater : les équipements collectifs – bus, métros, immeubles anciens – ne sont pas toujours adaptés aux personnes en situation de handicap, que ce dernier soit moteur, psychique ou sensoriel. On sait moins en revanche que les produits de la vie quotidienne – de l’automobile à la cafetière, du smartphone à la poignée de porte – ne sont que rarement conçus en tenant compte des besoins particuliers des personnes en situation de handicap. C’est ce constat qui a conduit APF France Handicap, une association reconnue d’utilité publique qui défend et représente des personnes en situation de handicap et leurs proches, à créer un TechLab dont la mission est d’accompagner l’innovation technologique pour tous en prenant en compte les besoins des personnes en situation de handicap dans la conception de produits et de services. Nous avons reçu sa responsable, Estelle Peyrard, par ailleurs titulaire d’une thèse de doctorat à l’Ecole Polytechnique.
Nous ne sommes pas égaux face à l’innovation. On estime qu’un milliard de personnes en sont exclus. Il est vrai que l’innovation s’adresse avant toute au « haut de la pyramide », mais nous en avons tous besoin. S’adresser aux plus pauvres, aux personnes en situation de handicap, aux seniors… est donc nécessaire. Nécessité éthique, d’autant que les entreprises peuvent par ce biais générer également du revenu en s’adressant à de nouveaux segments de clientèle. C’est là que l’innovation inclusive intervient. Une innovation avec et pour les publics qui en sont généralement exclus.
Ils sont de différentes natures selon que l’on veut innover pour les personnes généralement exclues de l’innovation ou avec elles.
On rencontre bien souvent du désintérêt, voire de l’ignorance de leurs besoins particuliers. Par ailleurs, on constate des réticences à investir pour elles et des craintes quant à l’impact de tels développements sur l’image de marque des entreprises. Certaines d’entre elles ont peur que ces innovations soient trop coûteuses et pas suffisamment rentables. Enfin, les préjugés demeurent tenaces.
Lorsque l’intention existe, les entreprises peuvent manquer de connaissances sur les personnes exclues. Qui sont-elles ? Combien sont-elles ?. A ceci s’ajoute le fait que le design inclusif peut induire des coûts supplémentaires, en particulier lorsque le sujet est abordé tardivement dans le projet. Enfin, il peut exister des conflits entre design universel et utilisabilité pour tous.
La participation de ces personnes n’est pas toujours garantie. Lorsqu'elles sont présentes, elles ne sont pas toujours écoutées. Par ailleurs, les entreprises ont parfois tendance à consulter des spécialistes du handicap ou des seniors, mais pas les individus directement concernés… Recruter celles-ci peut être difficile, naturellement ; se rendre à des ateliers de co-conception, comprendre leur fonctionnement l’est également. La présence de multiples parties prenantes (personne concernée, proches, personnel médical, spécialistes, financeurs) et la difficile prise en compte de dimensions éthiques (comment recueillir le consentement de la personne à participer par exemple ?) doivent être notés.
D’autres difficultés se posent ensuite. Maîtrise des technologies utilisées, représentativité des groupes… Sans oublier le fait que les personnes concernées s’estiment parfois incapables de donner un avis intéressant sur un produit… Enfin, donner un rôle majeur à ces personnes souvent exclues de l’innovation dans la conception est également complexe. Les entreprises connaissent encore mal l’innovation inclusive, et ne savent pas comment la mettre en œuvre. La participation de tiers à ces ateliers ne doit pas être occultée.
La tâche est donc complexe, mais nécessaire et profitable : on sait en effet que tous les produits, services, équipements… conçus pour des personnes handicapées ou des seniors par exemple ont un bénéfice pour tous, voire sont ensuite adoptés par toute la population. Pensons à la télécommande, inventée pour une personne en situation de handicap moteur ; pensons également au SMS, inventé pour des personnes sourdes et malentendantes… En répondant donc à des utilisateurs dits « extrêmes », on découvre des usages utiles à tout le monde.
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