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Faut-il faire de ses collaborateurs des ambassadeurs de l'entreprise ?

De Nicolas Treuvey

Le vendredi 14 juin 2024

La thématique des collaborateurs ambassadeurs (employee advocacy en anglais) a émergé il y a une dizaine d’années, concomitamment à l’avènement des réseaux sociaux. Plus ou moins spontanément, les salariés y ont multiplié les prises de parole, évoquant les produits de leur entreprise, commentant les événements qu’elle organisait, etc. Par peur des dérives, les entreprises sont tentées de contrôler ces prises de parole. Attention nous dit Fabienne Berger-Rémy, maître de conférences à Dauphine et qui a récemment animé une formation sur ce sujet à l'Anvie : si le discours est trop contrôlé, il perd en sincérité... donc en crédibilité.

Qu’est-ce que l’Employee Advocacy ?

En 2014, l’Employee Advocacy était définie comme un comportement consistant, pour un collaborateur, à assurer vis-à-vis de l’externe, la promotion ou la défense volontaire de son entreprise, de ses produits ou de ses marques.  Des définitions plus récentes vont plus loin, considérant qu’il peut s’agir d’un discours oral ou écrit, mais également d’une simple attitude. La démarche peut en outre avoir des effets en interne, au moins par ricochet.

 

Une constante est, en revanche, que l’Employee Advocacy ne doit pas être explicitement récompensée par l’entreprise. Elle n’est pas prévue dans la fiche de poste et n’est pas rémunérée, au risque de perdre de son authenticité. Pour autant, il serait illusoire de penser qu’elle est gratuite. Elle peut notamment s’accompagner de coûts de coordination, voire d’animation, importants.

 

Une pratique aux confins de la RH et du marketing

L’Employee Advocacy a incontestablement une dimension RH, car elle sert la marque employeur. Elle peut être utilisée pour accroître la rétention, en renforçant l’identification et la fierté d’appartenance, mais surtout pour attirer des talents. L’un des avantages est qu’elle permet de toucher des personnes en phase avec la culture de l’entreprise et de faire la différence pour recruter les talents les plus recherchés.

 

Les retombées attendues sont toutefois plus larges. L’Employee Advocacy peut en effet avoir un impact très concret sur la réputation de l’entreprise et sur la croissance de son chiffre d’affaires. Des études montrent que les clients acquis par ce biais sont plus fidèles et permettent de dégager de meilleures marges.

 

La place croissante accordée à la communication d’influence

La société actuelle se caractérise par une perte de confiance vis-à-vis des institutions et de tout ce qui représente l’autorité. À l’inverse, les gens sont de plus en plus enclins à suivre les recommandations de leurs pairs. Ce phénomène massif est en toile de fond du développement de l’Employee Advocacy.

 

Les témoignages des « insiders » – ceux qui sont dans l’entreprise – sont perçus comme plus authentiques et plus crédibles. Pour les candidats, il s’agit de la principale source d’informations. Ces interventions des collaborateurs rejaillissent également positivement sur les clients. Un enjeu de visibilité est par ailleurs à l’œuvre. L’audience des collaborateurs sur les réseaux sociaux excède parfois très largement celle de l’entreprise.

 

Où placer le curseur entre contrôle et lâcher-prise?

L’Employee Advocacy repose sur des pratiques spontanées. De leur propre chef, les salariés peuvent s’exprimer sur les réseaux sociaux en mettant en avant des éléments qui permettent d’identifier leur entreprise. Ils peuvent le faire dans un contexte professionnel, notamment sur LinkedIn, mais parfois de manière très personnelle, par exemple sur Instagram.

 

Dans certains cas, ces pratiques sont orchestrées et mobilisent une communauté d’ambassadeurs. Le niveau d’intervention peut très fortement varier, mais va parfois jusqu’à l’élaboration de messages prêts à poster.

 

Pour les entreprises, la tentation est évidemment grande d’encadrer ces prises de parole, y compris pour en garantir la qualité. L’enjeu est toutefois de ne pas aller trop loin, afin de ne pas remettre en cause l’authenticité et in fine l’efficacité de la démarche. Du point de vue du droit du travail, interférer dans des actions que les collaborateurs font sur leur temps libre et qui ne relèvent pas de leur fiche de poste peut en outre s’avérer problématique. Tout l’enjeu est donc de trouver un équilibre et de valoriser la prise d’initiatives, tout en proposant un accompagnement aux collaborateurs qui le souhaitent.

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