Tour à tour directrice de business unit dans une grande entreprise d’énergie, créatrice d’une start up devenue un de principaux acteurs de l’économie d’énergie, à l’initiative de la fondation e5t : avec un temps d’avance, Myriam Maestroni a mis la question de la transition écologique au cœur des organisations qu’elle pilotait. Elle porte sur ce sujet un regard original, n’hésitant pas à mêler hard skills et intelligence émotionnelle pour penser la transition et agir en faveur de celle-ci. Myriam Maestroni est également vice-présidente de l’Anvie depuis de nombreuses années, ayant à cœur de faire se rencontrer les sciences humaines et les entreprises.
Myriam Maestroni : Le rapport à l’énergie s’est transformé. C’est un élément essentiel, car croissance du PIB et dépense énergétique sont fortement corrélées. J'ai travaillé chez Primagaz au début des années 2000. Nous avons choisi d’accompagner l’évolution des demandes des clients pour qu’ils adoptent un modèle de consommation énergétique plus vertueux. De simples consommateurs, les clients sont devenus des acteurs de la problématique des économies d’énergie. Mais de tels changements de comportement sont très longs dans ce domaine.
MM : En effet. Les deux dernières décennies ont été marquées par une prise de conscience écologique sans précédent. Une prise de conscience progressive, marquée par quelques moments-clés. La sortie en 2005 du film d’Al Gore par exemple, Une vérité qui dérange. Yann Arthus-Bertrand a eu raison de dire que « en 2 heures, ce film a fait plus pour faire connaître le changement climatique que moi en 15 ans ». Tout le monde a pris conscience qu’il y avait un danger. Mais personne n'a compris que celui-ci était proche. Nous n’avons désormais plus que 30 ans pour reconstruire une nouvelle logique, un nouveau paradigme éco-énergétique.
MM : Les êtres humains sont des « analphabètes » émotionnels. Nous ne sommes pas en mesure de comprendre toutes nos émotions dans le contexte de rupture actuel. Nous comprenons à peine que tous nos destins sont liés ! En tant qu’êtres humains, nous avons une capacité à nous repenser, à condition que nous sachions nous repositionner par rapport à nous-mêmes, aux autres, au monde et à l’univers. Auparavant, nous étions anthropocentrés. Nous étions élevés dans l’idée que l’on peut maîtriser la nature et les éléments. Nous ne pouvons que faire le constat de notre vulnérabilité aujourd'hui. Chacun doit se l’approprier avec sa cohorte d’émotions qui l’accompagne.
MM : J’ai créé cette fondation parallèlement à ma démarche professionnelle. Je travaillais dans le pétrole et le gaz, ma ligne était toute tracée. Mais en 2003, j’ai décidé de repositionner Primagaz non plus en tant que fournisseur d’énergie, mais en tant que concepteur et distributeur d’économies d’énergie en plaçant le client au centre de celles-ci.
Je cherchais alors à développer un nouveau parcours de connaissance. J’ai donc décidé de créer la Fondation e5t. J’ai réuni mes amis professionnels et des chercheurs. Nous organisons aujourd'hui six universités par an. Nous avons mis en place un fonds de dotation très actif pour identifier et mettre en lumière des initiatives autour de la transition énergétique.
MM : C’est incontestablement le pari de la neutralité carbone, que nous abordons d’ailleurs avec la fondation. Le chapitre de la prise de conscience est clos : l’enjeu, désormais, est de trouver une troisième voie entre une pensée libérale et inconséquente, et une pensée décliniste qui ne laisse aucun espace pour l’initiative entrepreneuriale. Cette nouvelle étape a été actée lors de la COP21 de 2015.
MM : La capacité d’absorption de ce nouveau modèle économie-environnement par les entreprises m’inquiète peu. Elles ont intégré les enjeux liés à l’écologie et compris que leurs business models devaient évoluer en ce sens. Le vrai problème est la faiblesse de nos entreprises de taille intermédiaire et les difficultés des plus petites à se saisir des enjeux environnementaux. À terme, cela risque de créer une distorsion de concurrence entre les grandes entreprises et les plus petites. Je reste néanmoins convaincue que le monde économique trouvera des solutions qui donneront vie à de nouvelles entreprises.
En revanche, la dimension sociétale m’inquiète beaucoup plus : elle est négligée. En matière d’efficacité énergétique dans le bâtiment par exemple, les formations ont commencé à peine à évoluer. On n’a pas donné envie aux jeunes de s’engager dans ces métiers alors que les besoins sont immenses : 100 millions de logements européens sont à rénover !
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