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Pour transformer votre entreprise, transformez son management !

De Nicolas Treuvey

Le mardi 25 octobre 2022

Depuis quelques années, de nouvelles injonctions tombent sur la ligne managériale. Au-delà de leurs missions classiques – organiser le travail, affecter les tâches, contrôleur leur bonne exécution, assurer le reporting…. - ils doivent désormais « donner de l’autonomie », « faire grandir », « coacher », « libérer » même… Ces injonctions placent les managers dans une position très délicate.  Elles les obligent à sortir de leur posture traditionnelle et à composer avec des logiques parfois contradictoires. Alors, comment les soutenir dans leurs nouvelles missions ? Comment les aider à surmonter les difficultés qu’ils rencontrent aujourd’hui ? Eléments de réponse avec Pascal Ughetto, chercheur au LATTS et professeur à l’Université Gustave Eiffel.

Aux origines de la transformation des organisations et du management

De la « transformation », à la « digitalisation »

Le terme de transformation fait partie intégrante du vocabulaire de toutes les grandes organisations, publiques ou privées. Pour Pascal Ughetto, « l’apparition de ce terme et de son utilisation est à rechercher au début des années 2010 ». On lui préfère d’abord ceux de digitalisation, puis de transformation digitale. Il s'impose ensuite réellement, traduisant l’existence d’un processus aboutissant à de profond bouleversement des organisations. Des directions de la transformation naissent d’ailleurs peu à peu. Elles fusionnent quelques années plus tard avec les directions des ressources humaines.

Ce vocabulaire, ces préoccupations sont nées en premier lieu dans les grands Groupes monopolistiques qui sentent poindre de nouvelles menaces au début des années 2010. Ces grandes entreprises constatent toutes que de nouveaux entrants, quasi-exclusivement issus du secteur du numérique, parviennent à pénétrer rapidement et facilement certains secteurs d’activité, sans par ailleurs à avoir à mobiliser des capitaux très importants. De nouveaux acteurs capables de proposer de nouvelles offres sur la base de technologies renouvelées et un service repensé. Exemple emblématique : Airbnb.

Un management pour attirer les « jeunes »

A cette époque également, les directions générales se disaient toutes convaincues que leurs organisations devaient se transformer pour intégrer les « jeunes » (génération Y, Z, millenials…) qui, sans qu’aucune étude ne le démontre, seraient mus par des aspirations profondément différents de leurs aînés : autonomie, liberté, créativité, collaboration… Si les entreprises n’étaient pas capables de changer de l’intérieur, ces fameux jeunes « talents » les délaisseraient et iraient voir ailleurs.

« Une approche qui a pour partie fait long feu » note Pascal Ughetto. « Les entreprises ont compris depuis que l’évolution du rapport au travail concernait tous les salariés, et pas seulement les derniers entrants ».

Bref, autant de signaux conduisant les entreprises à entrer dans une transformation globale. Outils bien sûr, mais aussi organisation du travail, processes, mode de fonctionnement, culture, ADN même. Pour beaucoup, cette transformation est même apparue comme la principale condition de leur survie. En ont découlé de nouvelles routines, de nouveaux processes et, aussi, de nouvelles postures des individus au travail. On parle désormais de « droit à l’erreur », de « créativité », de « prise de risque », etc.  Ce qui a un impact majeur sur les pratiques managériales. En effet, les managers étant sommés d’abandonner une logique « command+control » pour devenir coach, servant leader, facilitateur, bienveillants, etc. Ce qui a aussi un impact sur les espaces de travail, plus modulables, plus « flexibles ». Ceci autant pour réduire le poids de la facture immobilière que de proposer des lieux adaptés à la collaboration et la créativité.

De la transformation à la transformation du management

Le manager, acteur jugé central

Pour Pascal Ughetto, « les managers sont aujourd’hui identifiés comme la pierre de touche de l’effectivité de la transformation ». Or les très grandes entreprises fonctionnent à une échelle industrielle. Cette échelle va de pair avec des standards, des processes, etc. De fait, comment penser l’articulation entre fonctionnements transformés et impératifs industriels, qui doivent cohabiter par la force des choses ?

La mise en œuvre du mode Agile en constitue un bon exemple. « Une étude que j’ai menée au sein de la DSI d’une entreprise française montre que les développeurs se prêtent au jeu de la méthode Agile. Le véritable problème se pose lorsqu’il s’agit de réarticuler les projets avec les impératifs de l’entreprise : comment définir un budget, des KPIs par exemple lorsque le produit fini n’est pas connu par définition ? » indique Pascal Ughetto.

Un positionnement délicat

Les managers sont positionnés exactement au point de rencontre entre les fonctionnements régis par des principes d’autonomie et les fonctionnements relevant de logiques plus classiques. Le fait qu’ils aient à travailler à l’articulation entre les deux n’est pas nécessairement un problème en soi, mais le devient quand cette articulation n’est pas pensée, quand le fait qu’il y ait des contradictions à gérer ne soit pas vu. Au fond, un élément a valeur de test dans la conduite d’une transformation pour savoir si l’on se situe dans des généralités ou si l’on a pensé les implications concrètes qui devront être gérées par les managers, avant même que ceux-ci aient à le faire : sait-on dire de quoi est constituée l’activité des managers en temps normal, avant la transformation ? Comment parviennent-ils à exécuter leurs tâches ?

Redonner du pouvoir d'agir au management

A partir du moment où l’on transforme leur activité – par exemple en leur demandant d’être une posture d’écoute – il faut laisser du temps aux managers, il ne faut pas qu’ils soient dans l’urgence.

Il faut également vérifier qu'ils ont bien le pouvoir de changer de posture, s’ils ont le soutien de leurs propres managers…. « Bref, on peut accorder du crédit à une opération de transformation si l’on s’intéresse de très près à l’activité des managers, si l’on connaît les obligations auxquelles ils doivent faire face et comment la transformation modifie leur activité » conclut Pascal Ughetto.

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