Conclus pour la plupart après la pandémie de Covid-19 qui avait donné lieu à un essor sans précédent du télétravail puis du travail hybride, les accords Télétravail sont en cours de renégociation dans de nombreuses entreprises. L'occasion de faire un bilan de cette (r)évolution avec Emmanuelle Léon, professeure à ESCP Business School et grande spécialiste française de la question.
Chacun a pu le constater : la généralisation du télétravail, le développement rapide du travail hybride datent du Covid. Pour autant, les signes précurseurs à cette profonde modification de l’organisation du travail existaient déjà avant. A la fin des années 2010, la fin de la linéarité des vies se profilait par exemple : certains étudiaient en travaillant, d’autres montaient une startup parallèlement à leur activité salariée, d’autres encore décidaient d’arrêter de travailler pendant quelques mois… Découlent de ce phénomène, qui existe toujours, des modèles de vie très hétérogènes, sans cesse en recomposition et difficiles à appréhender par les entreprises.
En 2018, les principales préoccupations des managers avaient trait à la transformation du travail sous le coup de la robotique, de l’IA, de nouveaux modes d’organisation… Autant de questions qui étaient source d’angoisse pour eux, comme pour leurs collaborateurs. Cette transformation du travail supposait l’acquisition de nouvelles compétences, indispensables pour rester employables : il fallait se former, former ses équipes. Cette nécessité existe toujours, voire se renforce puisqu’il faut, aussi, être en mesure de former les IA en les alimentant avec les « bonnes » données.
En 2018 également, la fin de la linéarité des vies se profilait. On étudie en travaillant, on travaille pour son employeur tout en montant une startup, on arrête de travailler pendant quelques mois… En découlent des modèles de vie très hétérogènes, sans cesse en recomposition et difficiles à appréhender par les entreprises.
Le Covid, en 2020, a apporté la preuve qu’il n’était pas nécessaire de se rendre au bureau tous les jours pour rester productif. Surtout, de nouveaux métiers, de nouvelles tâches sont apparues parfaitement télétravaillables. Et des collaborateurs que l’on imaginait peu à l’aise avec le travail à distance se sont révélés d’excellents télétravailleurs. Dernier constat : travailler selon des horaires flexibles, permettant de mieux concilier vie pro et vie perso, était parfaitement possible. Bref, les individus ont plébiscité le télétravail et ne sont pas prêts à y renoncer ! Le télétravail contribue à l’attraction et à la rétention des talents, représente un avantage auquel on n’est pas prêt à renoncer à n’importe quel prix. La productivité, en outre, ne semble pas pâtir du télétravail… à la condition que l’on ne soit pas en télétravail à plein temps.
Certes plébiscité, le télétravail n’est pas sans inconvénient :
Le télétravail et le travail hygbride sont donc très appréciés ; ceux qui en bénéficient n'imaginent pas un retour en arrière. Pour autant, ils génèrent du mal-être. Comment résoudre ce paradoxe ?
En premier lieu, on ne fait pas toujours pas de distinction entre les tâches télétravaillables et les autres. Dit autrement, le temps de télétravail n’est pas réservé à ce pour quoi il est utile : des tâches à effectuer en solitaire, requérant de la concentration.
Par ailleurs, si nous avons changé de monde, nous avons conservé les réflexes, les schémas de l’ère industrielle. Encore aujourd’hui, on estime que le temps passé au bureau est le principal, voire le seul temps productif – le temps de télétravail ne le serait pas. Or la notion de temps, comme la notion de lieu, sont devenues très floues ; les outils nous permettent d’accomplir toutes les tâches dans n’importe quel lieu, etc. Il est donc urgent de changer de logiciel, de se transformer, en premier lieu en organisant l’hybride.
Mix entre présentiel et distanciel, le travail hybride peut obéir à trois modèles.
En définitive, c'est le pragmatisme qui doit primer en se posant les questions suivantes :
On s'intéresse donc au travail réel, à son contenu, à la manière dont il est exécuté. Ce n'est qu'alors que l'on peut déterminer si l'hybride peut être adopté et dans quelle proportion. Là comme bien souvent en matière de GRH, les solutions toutes faites n'existent pas !
En agissant de la sorte, on permet surtout aux individus de reprendre contrôle sur leur temps, donc sur leur travail. Cette question de la reprise de contrôle est probablement l'un des grands enjeux de demain : nous devons en particulier réapprendre à organiser, conduire, gérer les réunions dont le nombre connaît une inflation inquiétante. Une réduction du nombre de réunions qui devient plus qu'urgente pour retrouver du temps pour se concentrer, réfléchir - bref, du temps "à soi".
Toutes les études montrent que cet engagement est en berne. Les entreprises tentent de répondre à ce problème en développant encore davantage l’hybride, pensant agir sur les conditions de travail et de vie des individus. Mais le télétravail est désormais considéré comme un acquis : il n’est plus une source de motivation, au même titre que la rémunération. Si les collaborateurs sont insatisfaits, s’ils ne sont pas motivés, c’est parce qu’ils estiment ne pas, ou ne plus exercer un métier qui a du sens. Ne sentant plus respectés, plus reconnus, ils se désengagent.
Alors, comment faire ?
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