Les démarches de knowledge management (KM) n’aboutissent pas toujours à des résultats satisfaisants ou, a minima, ne parviennent pas être pérennisées. « Or en consolidant la culture organisationnelle, le KM peut contribuer à créer de la valeur » estime Sandra Fagbohoun, enseignante-chercheuse, responsable du pôle Economy and Society à l’ESDES Lyon Business School et par ailleurs consultante. Etat des lieux.
Dans les travaux académiques, le KM est présenté comme « un ensemble de processus, de capture, d’enregistrement des savoirs qui va faciliter la redistribution et la transformation de ceux-ci pour assurer le succès de l’entreprise ». Le KM, ce n’est donc pas seulement de la capture ou du stockage de connaissances ; c’est aussi la transformation de celles-ci. Par ailleurs, plusieurs niveaux de pratiques sont mobilisés :
« Le KM suppose une modification des pratiques et des croyances, donc une véritable conduite du changement » estime Sandra Fagbohoun. Cela exige de fixer l’information sur un support ou un document pour communiquer des contenus, mais pas seulement : la gestion des connaissances, ce n’est pas que leur classification dans des bases de données. Si l’information peut être matérialisée, objectivée sur un support tangible, la connaissance en revanche est en constante élaboration, reste immatérielle, pour partie implicite. Polanyi le résumait parfaitement en indiquant que « nous savons tous beaucoup plus que ce que nous pouvons en dire ».
On le sait, les connaissances sont à la fois collectives et individuelles. Dans le premier cas, les connaissances peuvent être codifiées (explicites, communiquées, officielles) ou ancrées : ces connaissances ancrées sont informelles, naissent à partir d’interactions sociales, d’habitudes partagées. Elles sont rarement énoncées, donc difficilement identifiables.
Dans le second, elles peuvent être enregistrées ou incorporées : les connaissances enregistrées sont théoriques, objectives et découlent de la formation et des capacités cognitives des individus. Elles se sont développées au fil du parcours de ceux-ci. Mais ils acquièrent aussi des connaissances par l’expérience pratique : des connaissances concrètes, subjectives, dirigées vers l’action – on comprend pourquoi il faut impérativement les capter.
La démarche de KM consiste ainsi à collecter des nouvelles connaissances à partir d’une codification et d’une combinaison des connaissances acquises à travers plusieurs champs d’action : collecte des données, modélisation, extraction de sens, reformulation synthétique, capitalisation des savoirs et, aussi, animation – l’accumulation d’informations nécessite d’être régulée et contrôlée. Pour que le dispositif soit pertinent, il faut être vigilant quant aux connaissances sélectionnées. « Très simplement, l’information doit être disponible au bon endroit, à la bonne place, pour les bonnes personnes » résume Sandra Fagbohoun.
La première résistance est d’ordre psychologique : on se sent davantage en sécurité lorsque l’on estime posséder les connaissances dont on a besoin. De fait, nous ne sommes pas toujours désireux de nous en procurer de nouvelles, ni de partager celles que nous possédons. Faire évoluer ses connaissances, entrer dans une démarche de KM n’est pas inné. Par ailleurs, partager du savoir au sein d’une communauté dématérialisée ne va pas davantage de soi, car cela suppose une faculté d’extériorisation qui n’est pas naturelle. Bref, il faut fournir un effort et, pour cela, la confiance de tous est indispensable.
La défiance vis-à-vis du partage de connaissances est donc spontanée – il faut motiver les individus pour qu’ils entrent de manière proactive dans ce partage. Cela nécessite une très forte attention – tout particulièrement lorsqu’il s’agit de connaissances tacites, moins facilement partageables que les autres.
Sans oublier que toutes les raisons sont bonnes pour faire échouer un dispositif de KM : architecture trop complexe, organisation silotée, manque de culture digitale, outils trop compliqués… Ces dispositifs peuvent donc ressembler à des châteaux de cartes s’ils ne reposent pas sur des bases solides nourries notamment par la culture organisationnelle.
Les facteurs de réussite sont de plusieurs ordres.
« Cette culture organisationnelle constitue, en soi, un objet complexe : c’est en effet un ensemble de pratiques, de normes, de représentations, de valeurs » estime Sandra Fagbohoun. Une culture de surcroît plus ou moins formalisée, transmise à des degrés divers, de manière plus ou moins consciente. Chaque culture organisationnelle comporte donc différentes dimensions (comportementales, cognitives, sensorielles…) qui leur sont propres, et qui vont fournir à des individus isolés un cadre d’appartenance. La sélection va conduire à trier entre ce qui doit être capitalisé et le reste : quels savoirs, quels savoir-faire sont suffisamment estimés pour pouvoir être transmis ?
Sans oublier que la codification exige d’adopter un ou plusieurs langages propices à la communication interindividuelles, interservices, intersites… voire internationale. Cette codification va choisir la logique à déployer dans les outils de recherche, va conditionner les pratiques quotidiennes, donc les rituels associés.
« Les organisations apprenantes sont celles qui sont capables de créer, d’acquérir, de transférer des connaissances » note Sandra Fagbohoun. Elles modifient sans cesse leur comportement pour intégrer de nouvelles connaissances. Le propre de ces organisations, c’est de rester souples, évolutives, alors que l’organisation du savoir a jusqu’à récemment répondu à des structures rigides – la connaissance était enfermée dans des systèmes clos, l’expertise était cantonnée à une poignée de personnes. L’entreprise apprenante s’oppose en tous points avec cette logique : elle est en mouvement, s’actualise ; la connaissance est diffusée. Pour cela, la mise en place de communautés de savoirs est intéressante, car elle permet de caractériser clairement l’organisation qui combine les connaissances. L’extraction des savoirs incorporés, la « digestion collective » va précisément permettre cette combinaison de connaissances, et, partant, le mouvement perpétuel de l’organisation.
On comprend de fait que la valorisation des individus est clé. Une valorisation qui peut être financière, mais pas seulement : le jugement d’autrui est encore plus essentiel, car il génère de l’estime de soi et conduit les individus à livrer leurs connaissances. Les individus doivent donc être véritablement au cœur du système pour nourrir la culture organisationnelle et lui permettre d’être évolutive. Et la confiance une variable clé, indispensable à la fluidification des relations interpersonnelles, donc au partage de connaissances.
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