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Comment développer une employabilité vraiment durable ?

De Nicolas Treuvey

Le samedi 13 juillet 2024

Les réformes successives de la formation professionnelle et, plus largement, du marché de l'emploi ont fait de l'individu un acteur essentiel dans le maintien et le développement de son employabilité, aux côtés de l'Etat et des entreprises. Une approche qui n'est pas sans risques estime Florent Noël, professeur de GRH à l'IAE de Paris : outre le fait que se sentir responsable de son employabilité peut se révéler extrêmement anxiogène - donc paralysant -, les conditions d'une employabilité durable doivent être bien connues par les individus comme par les employeurs.

L'employabilité, une question de contexte

L'employabilité peut être définie comme la capacité à avoir un emploi dans un monde en mouvement (il faut savoir s’adapter), et ce sans dégrader la qualité de l’emploi ou du travail, autant au bénéfice du salarié que de l’employeur. En effet, trouver un emploi est relativement aisé si l’on n’est regardant ni sur le salaire, ni sur les conditions de travail ; si l’on se place du côté de l’employeur, il est tout aussi aisé de staffer les postes vacants… sans garantie quant à la performance des candidats retenus.

 

Pour être employable, il faut des compétences, des capacité, de la volonté. Mais l'employabilité de chacun dépend aussi de l’existence de dispositifs publics et managériaux permettant la rencontre entre l’offre et la demande et, évidemment, de l’existence de postes à pourvoir, dans son entreprise ou ailleurs.

Une notion qui a évolué

Les utilisations du mot "employabilité" ont changé au fil des années, et se sont accumulées les unes sur les autres.

 

Pendant longtemps, l’employabilité a concerné essentiellement, voire uniquement, les personnes éloignées de l’emploi. Il s'agit là d'identifier les éléments expliquant pourquoi une personne parvient (ou ne parvient pas) à travailler On distingue ainsi les employables des inemployables, ces derniers pouvant prétendre à une prise en charge, à des prestations sociales, etc.

 

A partir de la deuxième partie des années 90, alors que les restructurations et les plans de licenciement sont nombreux, une autre acceptation de l'employabilité se fait jour : les suppressions d'emplois sont certes inévitables, mais il faut en réduire l'importance en veillant au maintien de l'employabilité de chacun. Une responsabilité qui incombe à l'employeur via la GPEC ou certaines dispositions des plans de sauvegarde pour l'emploi (PSE).

 

L'employabilité, c'est aussi permettre aux individus d’être suffisamment flexibles – de passer d’une entreprise à l’autre, d’un emploi à l’autre au fil de sa vie professionnelle. Enfin, elle peut être vue comme un vecteur de développement professionnel, de montée en compétences. Dans ce contexte, employeurs et employés construisent ensemble les compétences de ces derniers qui, en regard, profitent aux premiers. C’est une conception stratégique de l’employabilité, qui fait l’objet d’un partenariat entre les entreprises et les salariés. C’est particulièrement vrai lorsque la valeur ajoutée de l’entreprise dépend de la qualité des collaborateurs, de leur capacité à être meilleurs que les autres (consulting, SSII, métiers de la création, etc.). En découle alors un nouveau contrat psychologique, où l’on passe d’une relation fondée sur la subordination et la sécurité de l’emploi à une relation fondée sur l’engagement et l’employabilité – une forme d’union libre où la séparation est possible à n’importe quel moment.

 

Parvenir à une employabilité durable

L’employabilité durable, c’est, sur le plan théorique, un ensemble de capabilités où l’on pose que les individus ont tous des ressources qui leur ouvrent des univers des possibles plus ou moins larges, où ils peuvent repérer des opportunités ayant de la valeur autant pour eux que pour les employeurs. Dans les faits, il faut tenir compte de deux éléments :

 

 

Le développement de son employabilité représente incontestablement un projet émancipateur. Mais il ne l’est pas pour tout le monde ; et il n’est émancipateur que si l’on évite le piège de la surenchère incantatoire ("soyez employable !" est une injonction qui  peut culpabiliser), le piège de l’investissement à perte ("ne développons pas l’employabilité de nos collaborateurs car ils vont démissionner" - ce qui est faux) et le piège de la polarisation (sur ceux qui ont très peu de ressources et qui ne savent pas où les trouver, d’une part, et sur ceux qui ont énormément de ressources mais qui ne les convertissent pas en opportunités, d’autre part : une personne satisfaite de son travail, reconnue pour son savoir-faire, appréciée de ses collègues, n’a aucune raison de développer son employabilité : pourquoi irait-il voir ailleurs ?).

Trois enjeux pour les RH

En définitive, l’employabilité durable pose trois enjeux pour les équipes RH.

 

 

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