Apparues dans les années 70, devenues populaires dans les années 90, les startups ont connu un véritable boom à partir des années 2000 grâce à la révolution numérique. Nouveaux symboles de la réussite, elles sont devenues, aux yeux des grands Groupes, des partenaires incontournables qui aideraient ceux-ci à trouver de nouveaux relais de croissance, transformer leurs business models et, aussi, à moderniser leur image.
Mais les relations entre grands Groupes et « jeunes pousses » du numérique ne se passent pas toujours bien, voire débouchent sur des échecs retentissants.
Pour en comprendre les raisons et esquisser des solutions, nous avons rencontré Thomas Houy, maître de conférences à Télécom Paris, qui a publié de nombreux articles sur cette question.
Cette relation démarre régulièrement sur une incompréhension : les startups sont au départ des partenaires des grands Groupes, mais disruptent régulièrement ces derniers. Une startup rencontre un grand Groupe, identifie les problèmes que celui-ci rencontre et lui propose de le résoudre dans une logique gagnant-gagnant. Or la startup peut être amenée à disrupter le grand Groupe… Ainsi par exemple d’une entreprise hôtelière qui décide de passer par une startup pour utiliser une plateforme de réservation : la relation entre les deux acteurs s’inverse rapidement, puisque c’est la plateforme qui capte le client. La startup devient alors dominante, disrupte le marché de l’hôtellerie et place les entreprises du secteur dans une position d’infériorité. Une situation rencontrée à de nombreuses reprises au cours des dernières années, expliquant pourquoi les grands Groupes sont devenus méfiants…
Les startups ont ceci de particulier d’être en capacité d’innover selon les principes de l’effectuation. Elles cherchent à atteindre un objectif qui n’est pas défini ex ante à partir des ressources dont elles disposent. Or les grandes entreprises font l’inverse. Elles fixent un objectif et allouent les ressources nécessaires à son atteinte. Dans les startups, l’innovation est effectuale. Dans les grands Groupes, elle est causale.
Cette relation peut prendre différentes formes : incubation, relation purement financière, achat de prestations… Or toutes subissent une forme de détournement. Les startups par exemple croient qu’en étant incubées, elles signeront des contrats avec l’entreprise. Celle-ci espère de son côté apprendre de la startup. Il peut donc y avoir un agenda caché entre les deux parties.
Enfin, il semble que les facteurs clés de succès d’une telle relation ne soient pas identiques entre les deux parties. C’est même parfois un impensé !
Indispensable car les grands Groupes éprouvent des difficultés à innover. Souvent, innovation rime avec mort de businesses préexistants. L’exemple fameux de Kodak – qui a choisi de ne pas investir dans la photo numérique de peur de tuer son cœur de métier, la photo argentique – en atteste. L’entreprise n’a pas compris que son véritable métier, c’était le souvenir fixé sur une image, quel que soit le support…
Les grandes entreprises sont par ailleurs soumises au paradoxe d’Icare : un grand Groupe est devenu ce qu’il est car, à un moment donné, il a trouvé la recette gagnante et s’est spécialisé dans celle-ci. Mais le monde change, les marchés se retournent parfois. Le grand Groupe a alors de grandes difficultés pour pivoter sur d’autres modèles. Or les startups peuvent apporter cette capacité.
Les startups, contrairement aux grands Groupes, savent utiliser le first principle thinking cher à Elon Musk. Il faut revenir à la source, à l’intention fondamentale du projet. La première question à se poser est « Qu’est-ce que ce projet est censé accomplir ? ». Les startups sont beaucoup plus à l’aise que les grands Groupes pour mettre en œuvre ce concept.
Enfin, les grands Groupes ne sont pas ambidextres : ils ne savent pas explorer et exploiter en même temps. Les startups peuvent leur être d’une grande aide en la matière. Sans oublier que les startups savent évoluer et innover dans un environnement incertain. C’est leur quotidien depuis leur naissance !
Les pouvoirs publics sont conscients des difficultés qui viennent d’être énoncées. Le plan France 2030 prévoit d’ailleurs des sommes conséquentes à l’amélioration des partenariats.
Par ailleurs, le recours à un startup studio peut être intéressant. Structure d’amorçage, il contribue à la formalisation du problème rencontré par le grand Groupe et de fait, sécurise la relation future entre la startup et celui-ci.
En outre, les grands Groupes ont tout intérêt à procéder à une évaluation scientifique des startups afin de dépasser les craintes (et les croyances !) qui apparaissent systématiquement lorsqu’il s’agit de sélectionner une startup. Le partenariat est alors décidé pour de « bonnes raisons ». La relation est plus objective, donc plus saine.
Enfin, les grands Groupes peuvent consacrer des ressources dédiées à la fluidification des relations avec les startups. Et ils peuvent aussi créer des écosystèmes d’innovation.
Il y a un peu moins de 15 ans, Alexandre des Isnards et Thomas Zuber publiaient L'open space m'a tuer (Hachette). Ce grand succès de librairie d [...]
De plus en plus présente dans la société, la notion de neurodivergence s'invite aussi dans le monde du travail. Certaines entreprises font évolu [...]