La question de la reconnaissance irrigue toute notre société : dans tout mouvement social ou sociétal, les revendications d'ordre économique s'accompagnent bien souvent d'une demande de dignité et de reconnaissance. Pensons, très près de nous, aux Gilets Jaunes : ils luttaient certes pour leur pouvoir d'achat, mais aussi pour être considérés.
Le besoin de reconnaissance est particulièrement fort dans le monde du travail : les individus demandent à voir leurs efforts reconnus ; ils demandent aussi, et surtout, de la considération nous dit Jean-Pierre Brun, professeur en management à l'Université québécoise de Laval. Malheureusement, les entreprises confondent trop souvent gratitude et considération estime-t-il.
Dans le monde du travail, la reconnaissance est souvent réduite à de la gratitude (« bravo ! » « merci ! »)… ce qui n’est, au fond, qu’une forme de politesse parmi d’autres. Or la reconnaissance au travail va bien au-delà : la personne doit être reconnue en activité de travail, pendant que le travail est réalisé donc. Sans oublier qu’il faut respecter la parole et l’opinion des individus, car cela concourt aussi au sentiment de reconnaissance au travail.
En la matière, les entreprises françaises peuvent s’améliorer, incontestablement. Elles en sont conscientes et mettent en place des programmes de reconnaissance au travail (points à distribuer, prix, cadeaux, galas…), comme le font leurs homologues anglo-saxonnes. Si ces actions sont nécessaires, elles ne sont pas suffisantes. car elles ne permettent pas de reconnaître les individus en tant que tels, leur existence et leur identité.
En 1999, l’économiste Dominique Méda (Université Paris-Dauphine) avait montré que le travail était "très important" dans la vie de 70% des Français. Ce chiffre avait chuté à… 19% en 2022 ! En cause, un rapport au travail qui a changé. Chacun demande désormais un travail plus flexible (en termes d’organisation, en termes de temps de travail) et, aussi, plus de reconnaissance : une reconnaissance informelle, symbolique et, de plus en plus, une reconnaissance financière.
Les entreprises ont tout intérêt à s’y intéresser et à ne pas considérer les salariés comme des enfants gâtés qui ne se rendent pas compte de la chance qu’ils ont. La reconnaissance en effet a un impact direct sur la détresse psychologique : celle-ci est particulièrement forte chez les individus disant manquer de reconnaissance. Sans oublier que la reconnaissance joue sur la motivation, le sentiment d’appartenance (à son équipe, à son entreprise) l’absentéisme, la confiance envers le management… Bref, la reconnaissance est un sujet suffisamment sérieux pour que les entreprises tentent de l’améliorer.
Généralement, on considère que la reconnaissance vient récompenser la qualité du travail accompli. C’est donc l’efficience qui génère la reconnaissance au travail. Mais on peut aller au-delà : la reconnaissance n’est pas la conséquence du travail bien fait, mais la cause du travail qui va être correctement exécuté. Dit autrement, en reconnaissant en temps réel le travail effectué, on sécurise la qualité du résultat attendu. A l’image du sport, on reconnaît la qualité du jeu, l’effort réalisé qui vont « aider » l’équipe à marquer un but. Les supporters encouragent leur équipe pendant qu’elle joue, et pas seulement après !
La reconnaissance est à deux niveaux : la gratitude tout d’abord, à travers les félicitations que l’on adresse aux plus méritants. La considération ensuite : consulter, écouter, tenir compte de l’avis exprimé… appartiennent à cette catégorie. Pour que cette forme de reconnaissance existe et se matérialise dans des faits concrets, les entreprises n’ont pas le choix : il faut revoir les modèles managériaux.
On peut distinguer plus précisément quatre formes de reconnaissance au travail :
Il faut rappeler en préalable que plus de 40% des salariés disent que leur manager ne sait pas ce qu’ils font réellement au travail… Ils estiment donc ne pas être reconnus.
Mais que veulent-ils ? Comment souhaitent-ils être reconnus ? Les individus demandent, avant toute chose, qu’on mette à disposition les outils dont ils ont véritablement besoin. Ils veulent également être consultés lors des prises de décision, pouvoir faire des commentaires sur le travail réalisé et bénéficier d’un soutien lorsqu’ils rencontrent des difficultés personnelles. Tableaux d’honneur, diplômes, certificats… sont, somme toute, fort peu demandés par les individus – être l’employé du mois ne les fait pas rêver.
Pour Jean-Pierre Brun, c’est bien cette considération qui est, aujourd’hui, au cœur de la question de la reconnaissance au travail. Sans oublier qu’il existe plusieurs formes de considération : pouvoir travailler avec les bons outils, comme dit plus haut ; être écouté activement – ce que l’on doit être entendu, suivi d’effet ; être autorisé à donner son avis sur le travail effectué et sa qualité ; être impliqué dans des projets, se voir confier des responsabilités ; voir ses différences reconnues ; évoluer dans un environnement où l’égalité des chances n’est pas qu’un mot, mais se traduit dans des actes ; pouvoir échanger, parler, être écouté ; voir ses comportements (et pas uniquement ses résultats !) reconnus… et bénéficier (aussi) de formes simples de reconnaissance qui ont directement à avoir avec de la gratitude.
La reconnaissance se donne donc dans le travail, et pas après celui-ci : elle devient alors la cause du travail bien fait et n’en est plus (seulement) la conséquence. La reconnaissance n’est pas qu’une question de gratitude et d’appréciation, mais aussi de considération. C’est un vecteur majeur dans la santé au travail, l’engagement, la performance, l’innovation ou encore la qualité. Bref, investir dans la reconnaissance est éminemment rentable.
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