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Face à la surcharge informationnelle, quelles réponses organisationnelles ?

De Nicolas Treuvey

Le vendredi 22 septembre 2023

L'infobésité n'est pas qu'un problème individuel : c'est également un problème collectif sur lequel les entreprises peuvent et doivent agir selon Olivier Charbonnier, directeur général du cabinet DSides.

L’infobésité pose incontestablement des problèmes aux individus que nous sommes. Mais est-ce également le cas pour les organisations ?

Olivier Charbonnier – Oui, l’infobésité est un sujet dans le monde du travail. Elle n’est pas nouvelle en tant que telle, mais elle s’accélère depuis les années 2010 et la transformation digitale. Au demeurant, nous n’en sommes probablement qu’au début : aucun signe ne montre que le volume d’informations à traiter irait en décroissant, bien au contraire. Une économie de l’attention se développe, la captologie (l'étude de l'informatique et des technologies numériques comme outil d'influence et de persuasion des individus) se structure, attestant combien le traitement de l’information par chacun d’entre nous devient de plus en plus préoccupant : parce qu’il nous est difficile de gérer toutes les informations, parce que certains utilisent l’information pour orienter nos comportements. L’information devient, de fait, un sujet politique.

Politique, pourquoi ?

O.C. - Nous avons tous tendance à recourir à des solutions externes pour nous aider à traiter les informations : des moteurs de recherche, des algorithmes par exemple qui trient à notre place ce qui relève de l’essentiel et de l’accessoire. En faisant cela, nous obérons notre liberté de choix et notre libre arbitre. Il n’est pas étonnant que certains acteurs politiques appellent à une gouvernance des algorithmes au nom de la liberté individuelle et de l’intérêt général.

Existe-t-il, en entreprise, des solutions ?

O.C. – Oui, et certaines sont particulièrement simples à mettre en œuvre ! Déjà en tentant de comprendre comment fonctionnent le cerveau et le circuit de la récompense, quels sont les ressorts de la surcharge cognitive… pour, de facto, être moins exposé au risque d’infobésité. Au-delà, chacun doit développer trois capacités :

Les entreprises doivent-elles sensibiliser leurs collaborateurs ?

O.C. – En effet, car chacun doit être conscient des conséquences de l’utilisation de solutions digitales qui, si elles nous soulagent ponctuellement, ne sont pas sans risques. Prenons le GPS : en l’utilisant, nous déléguons à la machine une charge mentale. Mais cet outil devient aliénant si l’on suit ses recommandations sans réfléchir… On pourrait faire le même constat pour les interfaces (gestuelles, orales, cérébrales) qui fluidifient l’accès à l’information, donc réduisent la charge mentale. Là également, le pire côtoie le meilleur… et le temps gagné, à quoi est-il utilisé ?... S’il l’est pour confier aux collaborateurs de nouvelles tâches, il n’est pas du tout certain qu’ils réduisent la surcharge informationnelle – et la fatigue – de chacun.

Faut-il transformer les organisations ?

O.C. - A minima, on peut agir sur la configuration des organisations et le travail en tant que tel. Nos systèmes organisationnels et managériaux en effet peuvent réduire le désordre informationnel qui s’impose à chacun. Pour notre part, nous proposons de repérer les zones de criticité dans l’organisations du travail qui est notamment temporelle : en fin de semestre, en fin d’année fiscale, certains collaborateurs doivent gérer une foule d’informations. Repérer ces périodes de criticité permet de gérer le problème en amont.

L’’organisation des espaces de travail permet aussi de réfléchir à la question de l’infobésité ; il faut laisser de la place à l’informel afin que toute information ne soit pas transformée en datas, ne soit pas traçables, quantifiables, etc.

Au-delà, il est indispensable de s’alléger tous les jours des informations dont nous nous sommes appesantis. Là également, les espaces de travail peuvent être utilisés dans ce but : des espaces qui ne doivent pas être impersonnels, trop blancs. Lorsque tout se ressemble, nous avons l’impression de vivre et de travailler n’importe où. En permettant aux collaborateurs de se représenter le lieu où ils sont, en leur proposant des espaces de repli (niches, cabanes…), ils « s’ancrent » mieux dans leur espace de travail car leur besoin de sécurité psychologique est satisfait. Il faut aussi penser au confort physiologique des collaborateurs : peut-on encore, par exemple, organiser des formations dans des salles aveugles ?Alors que l’on sait combien le végétal a un impact positif sur le stress et l’attention, pourquoi ne pas prévoir systématiquement des patios ? Bref, les solutions existent et, pour la plupart, ne sont ni coûteuses, ni compliquées à mettre en œuvre.

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