Loin de constituer un effet de mode, la Pleine Conscience semble pénétrer durablement en France, y compris dans les entreprises. Mais comment la définir ? Que permet-elle, en particulier d’un point de vue managérial ? Eclairage avec Christophe Falcoz, psychopraticien et coach en Pleine Conscience laïque.
On sait que les modes de management et de leadership ont profondément évolué depuis le siècle dernier. Après les leaders et les managers « charismatiques » vs. autoritaires, entre les années 50 et 70, puis de leadership adaptatif dans les années 70 et 80, les styles du leadership transactionnel et transformationnel se sont imposés à partir des années 2000. Tous ces modèles ont vécu et ont laissé la place à deux autres. e ‘Servant Leadership’ tout d’abord, pour lequel le manager est au service des collaborateurs et de l’organisation. Un modèle loin d’être nouveau, né il y a un demi-siècle. Et le leadership authentique et responsable ensuite, plus récent. Il se révèle particulièrement adapté à l’heure où la place de l’éthique et des émotions, la transparence relationnelle, la recherche d’équité… deviennent des préoccupations pour de nombreux individus. Derrière l’authenticité transparaît l’idée de conscience de soi.
Les managers, les leaders doivent avoir confiance en leurs capacités. Ils doivent avoir une bonne connaissance d’eux-mêmes, de leurs points faibles et de leurs points forts. En étant plus authentique, le manager peut mieux communiquer. Il est plus objectif, plus transparent, car il sait entretenir un dialogue permanent avec autrui, et ce de manière horizontale. Soucieux de la qualité de la relation, ce manager sait prendre soin des autres. C’est aussi une sentinelle éthique capable de regarder en profondeur les intentions et les valeurs qui préexistent à l’action.
De tels managers ont toute leur place dans des organisations soumises à un environnement où l’agilité, la sobriété, la frugalité… deviennent des maîtres-mots. Ils semblent également à même de répondre à des collaborateurs exprimant de fortes demandes en termes de bien-être, de sens et d’autonomie.
Dans ce paysage touffu, la Pleine Conscience peut contribuer à renouveler le leadership. Elle aux nécessités du business, aux envies et besoins des collaborateurs. Car la Pleine Conscience n’est pas une fin, c’est un moyen, un processus.
Pour Jon Kabat-Zinn, professeur de médecine et ‘père’ de la méditation de Pleine Conscience, “ la Pleine Conscience est un processus expérientiel qui signifie être intentionnellement et délibérément attentif à tout ce qui se passe dans le moment présent, sans jugement et en acceptant ce qui est”. On trouve aujourd'hui la Pleine Conscience (ou Pleine Présence), un peu partout. Dans les hôpitaux (elle réduit le stress et les douleurs chroniques, guérit les addictions…). Dans la formation des soignants (sept DU en France), dans l’éducation (primaire, secondaire, supérieure). Et, de plus en plus, dans les organisations publiques et privées. La Pleine Conscience ne vise rien de particulier. On fait confiance au processus, ce qui doit advenir adviendra. En cela, elle diffère de la sophrologie. Elle peut, de surcroît, se pratiquer partout !
Il existe de plusieurs protocoles de Pleine Conscience issus du plus ancien, le MBSR (Mindfulness Based on Stress Reduction). Ils possèdent une forte validité scientifique dans les domaines de réduction du stress, de l’anti rechute de la dépression, de la gestion de la douleur chronique ou du burn-out... Ils contiennent tous à divers degrés des pratiques de méditation formelle (assise, allongée, en marchant...), des temps d’exploration de la pratique en groupe, des exercices de mouvements corporels, des exercices pour prendre du recul... Des millions de personnes ont aujourd’hui suivi ce type de programme sur 8 semaines.
La Pleine Conscience permet de développer l’attention aux sensations physiques, aux émotions, aux pensées et à stabiliser l’attention ; elle peut opérer un déplacement vers telle ou telle sensation (on parle de souplesse attentionnelle), dans une perspective non-analytique. La personne est invitée à être dans l’intuition, le ressenti, et pas du tout dans l’analyse. La Pleine Conscience permet aussi de développer certaine posture : développement de l’ouverture et la curiosité, du non-jugement et de l’acceptation, de la non-réactivité, de la bienveillance et de l’altruisme. Enfin, pas de Pleine Conscience sans intention : il faut s’engager dans la pratique de manière régulière et continue.
La Pleine Conscience implique de la décentration (on se regarde fonctionner), de la re-perception de soi et de son environnement, et c’est aussi de l’autorégulation et une reconnexion avec soi-même.
Dans les entreprises, la Pleine Conscience se développe depuis un peu plus de dix ans dans de très nombreux pays. On la trouve dans des très grandes entreprises, dans des structures publiques, des mutuelles, des startups, des PME-PMI... Ces pratiques ne sont donc plus réservées à quelques entreprises pionnières et font même l’objet d’évaluations scientifiques.
Les modèles de leadership sont de plus en plus nombreux à prendre en compte la question des émotions. On suppose en effet que l’intelligence émotionnelle contribue à réduire les conflits et à améliorer l’ambiance générale. Mais pour qu’il y ait intelligence émotionnelle, il faut tout d’abord être en mesure d’identifier les émotions chez soi et chez les autres. Il faut être capable d’exprimer ses émotions et de faciliter l’expression des autres. Il faut aussi comprendre son vécu émotionnel et celui d’autrui ; réguler les émotions au niveau personnel et relationnel, utiliser positivement les émotions font aussi partie de l’intelligence émotionnelle. La PC est un moyen habile pour faire l’expérience de ses propres émotions, pour les identifier, les accepter et tisser une relation apaisée avec elles.
Dans le monde du travail, la Pleine Conscience semble améliorer l’attention et la concentration, la satisfaction au travail, l’intention de rester, l’écoute, la performance interpersonnelle, l’engagement organisationnel. Elle réduit le risque de burnout, contribue au développement de la prise de décision éthique et l’intelligence émotionnelle. La Pleine Conscience a par ailleurs un impact positif sur le plan collectif : l’ambiance de travail est moins conflictuelle, l’implication et l’autonomie des équipes est plus élevée, le sentiment de responsabilité personnelle est plus net, le sentiment de reconnaissance est amélioré… Au-delà, plusieurs dimensions sont mises en mouvement par la pratique de la Pleine Conscience :
Evidemment, la Pleine Conscience ne se décrète pas, tout particulièrement en entreprise : la DG doit être convaincue de son bien-fondé ; les participants doivent s’y engager de manière volontaire ; le programme doit être adapté au contexte et déployé uniquement après une phase d’expérimentation. Et la Pleine Conscience ne produit réellement ses effets que sur le long terme, et si les intervenants sont dûment formés !
Primes sur objectifs, bonus, avantages... Les entreprises utilisent largement les leviers permettant de récompenser la performance individuelle [...]
La thématique des collaborateurs ambassadeurs (employee advocacy en anglais) a émergé il y a une dizaine d’années, concomitamment à l’avènement [...]