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Performance extra-financière, objectifs de développement durable : quel pilotage ?

De Nicolas Treuvey

Le vendredi 8 septembre 2023

Lorsqu’il s’agit de mettre en place des programmes de pilotage intégrant le développement durable et la transition, les dirigeants d’entreprises avancent souvent des objections : on ne pourrait plus maximiser la performance financière ; la transition ne serait pas clairement définie ; le passage à l’action serait impossible…

Des idées fausses pour la plupart, car performance financière et performance ESG – Environnement, Social et Gouvernance, les trois principales dimensions permettant d'évaluer le caractère durable d'un investissement – ne sont pas incompatibles selon Nicolas Mottis, professeur à l'Ecole Polytechnique où il dirige par ailleurs l'Executive Master.

Performance financière et performance ESG ne sont pas incompatibles

Pendant longtemps, les investisseurs comme les dirigeants n’ont pas pris au sérieux le concept de finance dite durable, au motif que cette dernière n’améliorait en rien la performance financière, au contraire. La performance financière en effet est souvent associée à une non-performance sociale ou environnementale. Or les entreprises ont tout intérêt à traiter quatre performances, la création de valeur dépendant certes de la performance financière, mais aussi de la performance environnementale, de la performance sociale et de la gouvernance. Quatre dimensions à aborder simultanément dès la conception des plans d’actions, et pas séquentiellement comme cela reste souvent le cas. Beaucoup d’organisation commencent par leurs objectifs financiers, puis intègrent seulement ensuite une couche ESG.

La question du développement durable est un sujet relativement ancien. Le rapport Brundtland date en effet de 1987. Et cela fait au moins un siècle que des investisseurs, des dirigeants s’intéressent à la performance extra-financière et intègrent celle-ci à leurs réflexions. L’ISR s’est depuis développé et représente dorénavant une part très significative des actifs sous gestion. Sur les marchés financiers, on assiste par ailleurs à une montée en puissance très forte des thématiques ESG qui semblent aujourd’hui pour beaucoup d’acteurs compatibles avec la performance financière classique. En d’autres termes, est-il rentable d’être vertueux ? La recherche montre qu’il est tout à fait possible d’obtenir ces deux types de performance, sans qu’il y ait un lien systématique. La réponse se trouve donc dans les pratiques de management et de pilotage, dans les actions mises en œuvre par les dirigeants pour atteindre cet objectif.

La donnée est (souvent) nécessaire, (jamais) suffisante

On assiste actuellement à un bouillonnement autour de la donnée, mais on manque souvent de simplicité pour aborder cette problématique. C’est particulièrement le cas sur les données ESG où l’activité réglementaire est foisonnante. CSRD, SFDR, EFRAG, ISSB… De nouvelles normes, de nouveaux standards, de nouveaux labels apparaissent ainsi régulièrement en France et en Europe. Mais il reste encore beaucoup de travail à faire pour que des données ESG de qualité soient enfin disponibles.

Pour progresser, plusieurs pistes peuvent être empruntées.

Savoir articuler la stratégie et les opérations pour piloter efficacement la transition

C’est un vieux problème, mais assorti d’un défi supplémentaire : celui de la gouvernance.

Pour mieux articuler stratégie et opérations, on peut utiliser le modèle de la « performance en triangle » dans lequel la stratégie, les paramètres financiers et techniques et la psychologie des acteurs sont pris en compte et sont bien articulés. Par ce biais, on peut par exemple indexer le variable sur des critères de performance extra-financière pour le top management et les managers intermédiaires, mais il n’est pas dit que cela suffise à enclencher une transformation.

Ce qui motive le management intermédiaire et les salariés sur les problématiques de transition, ce n’est pas que l’argent (motivation extrinsèque), mais aussi le sentiment d’agir en faveur de l’environnement (motivation intrinsèque). Tout miser sur la motivation extrinsèque des individus peut se révéler totalement contre-productif. Ce petit exemple montre bien qu’en introduisant des critères de performance ESG dans le pilotage, il faut forcément se réinterroger sur l’articulation entre stratégie, paramètres financiers et psychologie des acteurs clés.

Pour remédier à cet état de fait, la grille des ODD demeure pertinente. Grille instrumentale, simple à utiliser, elle est assortie de 170 cibles et plus de 230 indicateurs de performances dont chaque entreprise peut s’inspirer.

Reste néanmoins la question de la gouvernance de la transition : force est de constater que la traduction opérationnelle de la thématique ESG est mal connue des administrateurs, un gros effort de formation reste nécessaire. Un des axes d’amélioration réside dans l’engagement actionnarial : pour que les CA et les organisations changent, mettent en place des actions concrètes, les actionnaires peuvent agir en faisant pression sur les dirigeants au travers de résolutions, d’interpellations, de dialogue, etc.

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