Chacun a pu constater que le travail a changé depuis la pandémie de Covid-19, sans toujours être en capacité d'objectiver les transformations à l'oeuvre. C'est précisément à quoi s'attache la Chaire MANagement et SAnté au Travail (MANSAT) de Grenoble IAE, dirigée par Emmanuel Abord de Chatillon. Cette Chaire mène depuis le début du premier confinement des enquêtes quanti et quali (600 entretiens environ) sur le travail et le management à distance, le télétravail et l’impact de celui-ci sur la santé au travail. Les derniers résultats confirment un changement de grande ampleur dans l'exercice du travail et dans la perception de ce dernier par les collaborateurs.
Premier constat issu de ces enquêtes : les individus interrogés disent être plus performants lorsqu’ils sont en télétravail (55,7%). 7,5% seulement estiment être moins efficaces. Les managers émettent un avis légèrement différent : ils constatent de la surperformance dans 30% des cas ; mais ils sont près de 15% à juger leurs équipes moins performantes en télétravail.
Autre question posée dans le cadre de ces enquêtes : quelle est votre perception du contrôle managérial ? Est-il plus fort ou plus faible par rapport à la période pandémique ? Ce contrôle, du moins tel qu’il est perçu, a augmenté progressivement mois après mois… après le premier confinement, au cours duquel il avait baissé sensiblement.
D’autres constats ont pu être tirés :
Les équipes de la Chaire Management et Santé au travail se sont également intéressées à la tension existant entre confiance et contrôle, à l’équilibre à trouver entre ces deux items. Selon les types de management, le point d’équilibre est différent ; et il semble que le management dit habilitant où la confiance prime sur le contrôle (sans que celui-ci soit absent) soit le plus performant. Le manager habilitant, c’est un manager qui pratique la participation, qui est en capacité de se mettre à la place des autres, qui soit exemplaire, qui soit coach… et qui contrôle, somme toute, l’activité. Dit autrement, l’absence totale de contrôle n’est pas souhaitable !
En définitive, la question du rapport entre contrôle et confiance est avant tout une affaire d’équilibre. De fait, cette question est particulièrement complexe à résoudre, car elle se règle dans les détails.
Ces enquêtes ont également mis en lumière un épuisement professionnel en hausse depuis le Covid (4%). La fatigue physique baisse, mais la lassitude cognitive et l’épuisement émotionnel (ce dernier étant directement lié au fonctionnement du collectif de travail) augmentent de manière très significative. Les individus interrogés mettent souvent en avant une « perte de sens », une « incapacité à aller de l’avant » - un certain épuisement éthique donc.
Quant aux individus qui n’ont pas bénéficié du télétravail en raison du métier qu’ils occupent, ils sont incontestablement plus fatigués physiquement, plus épuisés émotionnellement que les autres. Rien d’étonnant à cela : les télétravailleurs ont reconstruit du lien social en-dehors de leur activité professionnelle, grâce, en un sens, au télétravail qui les a privés de collectif. Ce n’est pas le cas pour ces fameux survivants.
Partants de ces quelques constats, que proposer, que mettre en place ? En premier lieu, les organisations ont tout intérêt à considérer que le management est un métier comme un autre : avec ses techniques, ses compétences. Bref, le métier de manager, cela s’apprend… mais pas n’importe comment.
Il faut également se demander si les pratiques managériales sont identiques tout au long de la ligne hiérarchique. Très clairement, les relations que l’on a avec ses équipes sont-elles les mêmes que l’on a avec son supérieur ? Celui-ci nous traite-t-il comme il nous demande de le faire avec nos équipes ?
Par ailleurs, les entreprises ont tout intérêt à se demander si le niveau de confiance et de contrôle, les pratiques de management adossées évoluent avec le télétravail. Il n’en est rien : les individus ne se sentent ni plus contrôlés, ni plus autonomes. Les managers n’ont que peu fait évoluer leurs pratiques : les managers défiants le sont restés, les managers confiants également.
Parfois, les managers ont dû expliquer très précisément ce que devaient faire les collaborateurs en télétravail, à tel point que ceux-ci ont découvert certains des tâches qui leur étaient confiées. Avec pour conséquence une modification du contenu de leur poste. Dans d’autres cas, c’est l’implicite qui a prévalu : certains managers ont renoncé à suivre l’activité – on a donc fait confiance aux individus, faute de mieux.
L'intérêt de ces espaces est désormais reconnu. Il l’était déjà pour le travail en présentiel… mais les enquêtes menées par la Chaire de Grenoble IA montrent qu’elles le sont aussi en télétravail. Les espaces de discussion permettraient ainsi d’améliorer la santé au travail, la QVT, que l’on soit sur site ou en télétravail.
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